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Demande de participation 2024

LE FITAM ETERNAM - Article CHOQ.ca

Le Festival International de Théâtre Anarchiste de Montréal revenait le 23 mai pour la dernière soirée de sa 13e édition à la Sala Rossa, salle comble. Comme chaque année le festival montait une scène partagée aussi bien par des artistes professionnels que des amateurs, troupes aguerries et collectifs naissants, afin de laisser la parole à tous sans hiérarchie.

Après l’accueil du public par Norman Nawrocki, le rideau s’est ouvert sur la pièce Darwin avait raison par la compagnie Dire, encore, qui dénonçait les vices d’aujourd’hui en jouant sur les paradoxes inhérents à notre société, en poussant la logique des mots et des chiffres jusqu’à l’absurde – le cercle vicieux de l’évolution humaine. Les acteurs, à coup d’ironie et d’interaction avec le public, nous invitent à repenser notre propre position dans cette évolution.

La deuxième pièce vous ferait certainement percevoir autrement les pédales wah wah, cette pédale d’effet pour instruments amplifiés. De prime abord la scène pourrait ressembler à un cours magistral en technique de son – que nenni, malgré le titre de la pièce qui renforce le doute : The Wah Wah Pedal du collectif Thought Experiment Productions. Le comédien débute par une consciencieuse explication du système électronique déployé sous nos yeux, accompagné de désagréables sons – bzzz bzzz – et d’expressions barbares telles que « no input » et autres « noise suppressor ». La tension, et l’attention, sont à leur comble dans la salle, car ce manège rime bien à quelque chose, mais quoi ?

Et très subtilement, la clef de l’énigme apparaît cachée derrière le texte très bien monté de notre professeur de technologie multimédia : ce système électronique branché sur lui-même n’est autre que notre système d’information, monopolisé par les mêmes canaux, les mêmes propriétaires de chaînes, un système d’information qui tourne en rond autour de ses propres mots. Performance théâtrale dont l’analogie à la fois drôle et intelligente donne à réfléchir.

Dernière représentation avant l’entracte : extraits de la pièce Un fils d’un autre temps, adaptée d’un ouvrage de 1938 par Ödön von Horváth, interprétée par un membre du Collectif du Geste Gauche. Le personnage rejoint l’armée allemande dans les années trente, poussé par une détresse émotionnelle et matérielle, et l’on comprend peu à peu comment une jeunesse vulnérabilisée peut tomber dans le lavage de cerveau militaire.

Après l’entracte, la deuxième partie de No Way ! No Way ! de Norman Nawrocki, dont la première moitié était présentée le 22 mai au FITAM par le collectif éphémère Trees That Talk. Cette fois, ce sont trois femmes antifascistes contemporaines dont les portraits sont dressés. Trois belles prestations solos qui permettent de faire passer un message clair et d’illustrer le rôle direct des femmes dans ces luttes.

Enfin le spectacle s’achève avec une seconde performance du musicien et accordéoniste Gwenael Kivijer, qui reprenait deux titres de la veille, et interprétait deux nouveaux chants prouvant que l’anarchie peut prendre de multiples visages. Le festival s’est clôturé par une discussion ouverte entre les artistes, le public et les bénévoles, où chacun pouvait expliquer ses inspirations, ses découvertes, et ses motivations dans le domaine du théâtre anarchiste et des sujets préconisés.

Le Festival International de Théâtre Anarchiste de Montréal reviendra évidemment pour sa 14e édition en 2019; les recherches pour de futurs bénévoles ont d’ores et déjà commencé. Un projet enrichissant de la scène contre-culturelle montréalaise et internationale, un festival autonome et DIY à soutenir absolument.

Article paru sur CHOQ.ca le 24 mai 2018